L’intelligence artificielle en Europe : un danger pour les migrants ?

L’intelligence artificielle (IA) est de plus en plus utilisée en Europe pour contrôler l’immigration, soulevant de vives inquiétudes quant à ses implications éthiques et ses biais discriminatoires. Alors que le Sommet pour l’action sur l’intelligence artificielle se tient à Paris cette semaine, dirigeants, experts et membres de la société civile s’interrogent sur les limites de ces technologies.
Des systèmes d’analyse des émotions, des accents et des données personnelles sont déjà testés pour filtrer les migrants aux frontières. Mais jusqu’à quel point ces pratiques sont-elles conformes aux droits fondamentaux ?
L’immigration : un terrain d’expérimentation pour l’IA en Europe
« Ici, les migrations sont un laboratoire humain d’expérimentation technologique grandeur nature », déclare Chloé Berthélémy, conseillère politique à l’EDRi (European Digital Rights). En effet, gouvernements et entreprises utilisent les populations migrantes pour tester des systèmes de surveillance avant un déploiement plus large.
Parmi les outils déjà expérimentés, on retrouve :
- Les détecteurs d’émotions pour analyser les réactions faciales et repérer d’éventuels mensonges.
- Les détecteurs d’accent pour identifier l’origine des individus.
- L’analyse des données mobiles pour vérifier l’authenticité d’une identité.
Ces méthodes posent de sérieuses questions en matière de respect de la vie privée et de discrimination.
iBorderCtrl : un projet controversé de détection des mensonges
L’un des projets les plus controversés reste iBorderCtrl, financé en partie par l’Union européenne. Ce système repose sur l’analyse des expressions faciales pour déterminer si une personne ment lorsqu’elle franchit une frontière.
Son fonctionnement est simple :
- Un voyageur répond à des questions devant une caméra.
- L’IA analyse ses expressions et identifie d’éventuels signes de mensonge.
- Si une suspicion émerge, l’individu est soumis à un contrôle plus poussé par un agent humain.
Testé dans des aéroports de Grèce, de Hongrie et de Lettonie, ce système est officiellement abandonné. Pourtant, des doutes subsistent sur son utilisation actuelle, l’opacité des programmes de surveillance compliquant toute vérification.
Une collecte massive de données : quels risques pour les migrants ?
L’IA a besoin d’une immense quantité de données pour fonctionner. Or, en matière d’immigration, les bases de données se multiplient. Eurodac, le fichier des empreintes digitales des demandeurs d’asile, est un exemple frappant.
Initialement créé en 2002 pour enregistrer les empreintes des migrants, il a été progressivement renforcé :
- Ajout de photos biométriques pour la reconnaissance faciale.
- Accès facilité pour les forces de l’ordre, initialement limité aux autorités migratoires.
- Utilisation des données à des fins d’enquêtes criminelles.
Cette évolution alimente une présomption d’illégalité envers les migrants, les assimilant à une menace potentielle plutôt qu’à des individus en quête de protection.
Des technologies de surveillance en plein essor
Outre la reconnaissance faciale et les analyses comportementales, d’autres technologies de surveillance sont déployées aux frontières :
- Drones de surveillance pour suivre les mouvements de population.
- Caméras thermiques pour repérer les passages clandestins.
- Capteurs et logiciels de prédiction pour anticiper les flux migratoires.
Ces outils, couplés à l’IA, risquent d’aboutir à une surveillance massive et indiscriminée, compromettant les droits fondamentaux des migrants.
Vers une réglementation européenne de l’IA ?
Face à ces dérives, l’Union européenne tente d’encadrer l’utilisation de l’IA dans la gestion des frontières. Le règlement sur l’intelligence artificielle, en discussion au Parlement européen, prévoit des restrictions sur certaines applications jugées « à haut risque ».
Cependant, les ONG estiment que ces mesures restent insuffisantes. Elles appellent à plus de transparence et à un contrôle renforcé des technologies utilisées, afin d’éviter des discriminations systématiques contre les populations vulnérables.
Conclusion : un avenir incertain pour les migrants en Europe
Si l’intelligence artificielle peut améliorer la gestion des flux migratoires, son utilisation actuelle en Europe suscite de graves inquiétudes en termes de libertés fondamentales et de discrimination.
La surveillance massive des migrants, couplée à une collecte excessive de données, renforce leur vulnérabilité et pose la question de la responsabilité des gouvernements. Face à ces enjeux, un cadre juridique strict et transparent est indispensable pour garantir un usage éthique et respectueux des droits humains de l’IA.
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