Le plus grand data center d’Europe en Essonne : prouesse écologique ou greenwashing ?

Lundi 2 juin, CloudHQ, un groupe américain spécialisé dans l’hébergement de données, a inauguré à Lisses (Essonne) ce qui est présenté comme le plus grand data center d’Europe. Deux immenses bâtiments de 33 000 m² chacun abriteront 48 salles informatiques, conçues pour répondre aux besoins croissants en matière de stockage et de traitement de données. L’enjeu ? Accompagner l’explosion des usages numériques tout en respectant des objectifs environnementaux ambitieux.

Le projet, considéré comme un « modèle » en matière d’intégration paysagère, de préservation de la biodiversité et de performance énergétique, suscite autant l’admiration que le scepticisme. L’entreprise promet un centre de données écologique, mais est-ce vraiment le cas ?

Une récupération de chaleur pour chauffer 7 000 logements

Une innovation énergétique prometteuse

Pour donner des gages de son engagement environnemental, CloudHQ a signé une convention visant à réutiliser la chaleur dégagée par les serveurs. Cette chaleur sera injectée dans le réseau de chauffage urbain de Corbeil-Essonnes à partir de 2030, avec l’ambition de chauffer jusqu’à 7 000 logements. Ce système de valorisation thermique permettrait de réduire considérablement l’empreinte carbone du site.

Un pas vers des data centers plus durables

Cette solution s’inscrit dans une tendance émergente visant à rendre les data centers plus durables, en exploitant les déperditions énergétiques au lieu de les dissiper inutilement. Cependant, la mise en œuvre opérationnelle de ce type de récupération pose encore plusieurs défis, notamment en matière d’interconnexion entre les infrastructures numériques et les réseaux urbains.

Une empreinte écologique toujours controversée

Les critiques des experts en urbanisme et en environnement

Malgré les promesses de CloudHQ et l’enthousiasme des élus locaux, certains spécialistes restent prudents. Cécile Diguet, urbaniste et fondatrice du Studio Dégel, exprime des réserves. Elle rappelle que même les centres de données les plus modernes restent énergivores et consomment énormément de ressources naturelles, notamment l’eau pour le refroidissement et l’électricité issue de sources pas toujours renouvelables.

Biodiversité et artificialisation des sols : un impact non négligeable

L’implantation d’un tel mastodonte numérique nécessite une emprise foncière importante. Bien que CloudHQ vante une intégration paysagère exemplaire, la consommation de terrains naturels ou agricoles reste problématique. L’artificialisation des sols et les perturbations sur la biodiversité locale constituent autant de conséquences souvent sous-estimées dans les bilans environnementaux.

Data centers verts : mythe ou réalité ?

Des infrastructures en mutation, mais pas encore exemplaires

Le terme de data center écologique est de plus en plus employé, mais peu de sites sont réellement neutres en carbone ou totalement intégrés dans des logiques d’économie circulaire. L’exemple de Lisses montre qu’il existe des avancées technologiques et des efforts d’intégration, mais la réalité est souvent plus nuancée que les discours marketing.

L’enjeu de la transparence et de la mesure d’impact

La performance environnementale d’un data center ne devrait pas se limiter à des effets d’annonce. Elle nécessite une évaluation rigoureuse de l’impact sur le long terme, une transparence des données (consommation électrique, bilan carbone, recyclage) et une collaboration active avec les territoires pour que les bénéfices soient partagés localement.

Conclusion : une transition nécessaire mais encore incomplète

Le data center de Lisses représente une étape importante dans la transformation écologique du numérique, mais il ne peut être considéré comme un modèle parfait. Si les initiatives comme la récupération de chaleur sont à saluer, le défi reste immense pour concilier croissance technologique, transition énergétique et respect de l’environnement.