Mon psy est une IA : L’intelligence artificielle peut-elle remplacer la thérapie humaine ?

Avec la montée en puissance des intelligences artificielles conversationnelles comme ChatGPT, de plus en plus de personnes se tournent vers ces outils pour obtenir du soutien psychologique. La facilité d’accès, l’anonymat et la disponibilité 24h/24 de ces assistants virtuels expliquent en partie cet engouement. Mais peuvent-ils réellement remplacer un psychologue humain ?

Témoignage : Un patient qui consulte ChatGPT en l’absence de son thérapeute

Stéphane, psychothérapeute cognitivo-comportementaliste et médiateur, a récemment découvert qu’un de ses patients avait utilisé une intelligence artificielle en son absence pour gérer ses angoisses. « Il semble que cela lui ait permis de calmer ses ruminations. Le fait de témoigner de sa réalité peut soulager. Mais je ne pense pas que mon métier soit en danger », explique-t-il. L’IA lui a fourni des conseils basiques, similaires à ceux qu’un ami peu expérimenté pourrait donner, en l’incitant à consulter un professionnel si nécessaire.

Ce témoignage illustre une tendance croissante : l’utilisation de l’IA comme premier recours pour un soutien émotionnel. Mais cette approche est-elle efficace et sans risques ?

IA et soutien psychologique : une aide ou une illusion ?

Un rôle limité dans la thérapie

L’IA peut offrir une écoute instantanée et donner des conseils généraux, mais elle ne remplace pas une véritable thérapie. Un psychothérapeute humain comprend les subtilités émotionnelles et contextuelles d’un patient, ce que l’intelligence artificielle ne peut faire qu’en surface. L’IA ne possède ni conscience ni réelle empathie, elle se contente d’analyser les données et de proposer des réponses adaptées aux modèles qu’elle a appris.

Une neutralité mise en question

Dans un cadre thérapeutique, la neutralité est primordiale. Stéphane souligne une inquiétude majeure : « L’IA devrait conserver une position neutre, or je ne sais pas comment elle construit son savoir ni les effets des influences répétées qu’elle subit en fonction d’interactions qui iraient systématiquement dans le même sens… ».

En effet, les IA sont entraînées à répondre aux attentes des utilisateurs, ce qui peut biaiser leurs conseils. Si un utilisateur cherche une validation plutôt qu’un avis objectif, l’IA risque de renforcer ses croyances plutôt que de les remettre en question, un biais dangereux dans un cadre thérapeutique.

Pourquoi les IA séduisent-elles autant dans un monde en crise ?

Nous vivons une époque marquée par une « permacrise » : crises économiques, géopolitiques, climatiques… Ce climat anxiogène pousse de nombreuses personnes à rechercher du réconfort immédiat. L’IA devient alors une solution accessible et rapide pour exprimer ses angoisses.

Un accès simplifié à un soutien psychologique

L’un des principaux avantages des IA est qu’elles sont disponibles à tout moment, sans rendez-vous ni attente. Cela peut être bénéfique pour les personnes qui n’ont pas accès à un psychologue ou qui hésitent à consulter un professionnel par peur du jugement.

Une alternative pour les premiers niveaux d’anxiété

Pour des angoisses légères ou ponctuelles, une IA peut offrir un espace d’expression et proposer des techniques de relaxation, comme la méditation ou la respiration contrôlée. Cependant, elle ne peut traiter des troubles psychologiques profonds nécessitant une approche thérapeutique spécialisée.

Les limites et dangers d’une thérapie automatisée

Une absence de suivi personnalisé

L’un des grands problèmes des IA thérapeutiques est l’absence de suivi à long terme. Contrairement à un psychologue qui établit une relation de confiance et suit l’évolution d’un patient, l’IA fonctionne de manière ponctuelle et isolée. Elle ne tient pas compte de l’histoire personnelle du patient et ne peut adapter ses conseils en fonction des progrès réalisés.

Le risque de dépendance

Certaines personnes peuvent développer une dépendance aux réponses fournies par l’IA, utilisant ces outils comme un refuge plutôt que comme un complément temporaire. Cela peut retarder la prise en charge par un professionnel et aggraver certains troubles psychologiques.

Le manque de régulation et de contrôle

Les IA ne sont pas soumises aux mêmes régulations qu’un psychothérapeute agréé. Leurs réponses peuvent varier en fonction des mises à jour algorithmiques et des biais présents dans leur programmation. Sans supervision humaine, il est difficile de garantir que les conseils donnés sont toujours pertinents et sécurisés.

IA et psychologues : vers une complémentarité plutôt qu’un remplacement

Plutôt que d’opposer IA et psychothérapie traditionnelle, une approche complémentaire semble plus pertinente. L’IA peut être un outil de premier niveau pour orienter les patients vers une prise en charge adaptée ou fournir des ressources éducatives sur la santé mentale.

Vers un accompagnement hybride

Des applications combinant IA et suivi humain émergent déjà. Elles permettent d’utiliser l’intelligence artificielle pour des tâches comme le suivi des émotions ou la mise en place de routines thérapeutiques, tout en conservant un accompagnement par un professionnel de santé.

L’importance de l’éthique dans l’IA thérapeutique

Pour que ces outils soient réellement bénéfiques, ils doivent être développés avec une approche éthique, garantissant la confidentialité des données et la qualité des conseils donnés. L’encadrement par des experts en santé mentale est essentiel pour éviter les dérives.

Conclusion : L’IA, un outil utile mais non suffisant

Si l’intelligence artificielle peut offrir une oreille attentive et des conseils génériques, elle ne remplacera jamais un véritable psychothérapeute. Son rôle doit être envisagé comme un complément, un premier recours pour soulager temporairement certaines angoisses, mais jamais comme une alternative à une thérapie humaine. La santé mentale est un domaine complexe qui nécessite une approche humaine, nuancée et adaptée à chaque individu.